SELVA Blanche – Association –
Blanche SELVA & l'association dédiée
LIEN AMF Blanche SELVA
Les CAHIERS Blanche SELVA
Blanche Selva-Déodat de Séverac entre musique et amitié
Cahier Blanche Selva no 3
Jean Alain Joubert, 2015
Patiemment, avec assiduité, l’association éponyme dédiée à la fabuleuse Blanche Selva, édite des cahiers passionnants, très documentés, Les Cahiers Blanche Selva. Les deux premiers avaient déjà retenus mon attention. Le premier intitulé Blanche Selva, actrice du renouveau de Jean-Sébastien Bach, montrait une action quasi révolutionnaire, en tout cas très inhabituelle, alors qu’aujourd’hui cette reconnaissance est désormais acquise. Le second analysait l’étendu et la qualité de son répertoire, aussi singulier que vaste, sous le titre Un répertoire exceptionnel.
Le troisième Cahier, qui vient de paraître, nous propose de découvrir : Blanche Selva-Déodat de Séverac entre musique et amitié.
Déodat de Séverac, qui naquit en 1872, était de douze ans l’aîné de Blanche Selva (1884-1942). Ils se rencontrèrent dans le cadre de la fameuse Schola Cantorum et fraternisèrent. Blanche s’intéressa vivement aux œuvres pianistiques de cet esprit indépendant. Bien que fidèles à l’esprit de la Schola, une vrai famille élective, ils étaient deux provinciaux du sud, libres dans leurs intentions et décidés à le demeurer, l’une était née à Brive la Gaillarde (Corrèze) et l’autre à Saint-Félix-Lauragais (Haute-Garonne). Ils avaient en commun un vibrant amour de la nature dans laquelle Blanche voyait « la manifestation tangible du créateur ».
En 1907, Déodat de Séverac influencé par l’esprit du Félibrige1, exprime, sans ambages, dans sa thèse au titre un peu provocateur, La centralisation et les petites chapelles2, ses convictions : « Nous voudrions […] retrouver [nos camarades] en des lieux calmes et paisibles où il n’y a que la nature sans apprêts (loin des musicologues, à l’abri des théoriciens et des conférenciers), […] » Ce à quoi Blanche Selva ajoute : « [Nous laissons] aux théoriciens l’ingrate besogne de disséquer [le] corps [de l’œuvre] et de découvrir les mérites de son plan tonal et autres détails culinaires dont n’ont que faire les invités au festin .»3
Déodat se refuse donc clairement à tout intellectualisme et Blanche complice de cette spontanéité, que leur inspire la nature, va s’emparer de ces partitions, les faisant découvrir, apprécier pour les émotions auditives raffinées qu’elles suscitent. Blanche fut donc l’interprète par excellence des œuvres pianistiques de Déodat, même si d’autres pianistes de renom en donnèrent leurs visions, mais qui satisfirent moins totalement le compositeur. Pour certaines de ses pièces il demanda l’avis, l’appui et même la révision de son amie en qui il avait pleine confiance liée à leur complicité musicale et à son talent monumental d’interprète, au point de faire jaillir la lumière ou il n’y avait qu’un clair-obscur. « […] Tout ce qu’il y a moyen de faire dire par le piano, Melle Selva l’extériorise avec un relief, une vie et une puissance d’évocation qui tiennent du prodige. Il est même des cas où son génie de pénétration semble aller au-delà de ce que le musicien a éprouvé, et où elle extrait de ce qu’il a composé peut-être plus que ce qu’il a jamais soupçonné lui-même : mais jamais, en agissant ainsi, elle ne forfait à ses intentions ; bien au contraire, elle en découvre la quintessence et je ne m’étonnerais pas que ceux dont elle interprète les œuvres aient souvent eu la radieuse surprise de voir, à travers ses réalisations pianistiques, leurs propres sensations précisées, approfondies et embellies [….]. »4
Dans les dernières années de sa vie, de 1919 à 1921, Déodat de Séverac s’investit beaucoup dans une série de quatre pièces pour piano, L’Encens et la Myrrhe, partition tristement égarée. Leur idée commune d’une Escola Mediterránia de Mùsica, allant de Marseille à Barcelone, fut ruinée par la mort de Déodat, le 24 mars 1921, à l’âge de 49 ans.
La perte du manuscrit de cet ultime recueil prometteur, la disparition prématurée et brutale de Déodat, furent de vives blessures dans le cœur et l’âme de Blanche Selva qui perdait un ami qui lui était cher et un créateur quelle affectionnait particulièrement, en qui elle voyait se révéler les dons les plus prometteurs de sa génération. Cette âme fidèle et spirituelle continua à interpréter régulièrement les œuvres de son ami, elle contribua largement à le faire connaître et reconnaître, poursuivant son propre chemin fait de plus de solitude jusqu’à ce que la maladie la terrasse elle-même et la contraigne au silence en son refuge de Saint Saturnin, dans le Puy de Dôme. Demeurent deux grands noms de la musique qu’une profonde amitié avait lié pour la gloire de l’art.
Jean-Joël Barbier en évoquant Coin de cimetière au printemps, écrit : « Ici, le Dies Irae lui-même abandonne son caractère impitoyable lorsqu’il tinte dans le bel espace transparent où se balancent les cyprès avec leurs oiseaux. Et le printemps envahit aussi le petit cimetière de Saint-Félix où repose aujourd’hui celui qui fut poète-musicien de la ferveur, de la lumière et de l’amour. »5
Ce nouveau volume des Cahiers Blanche Selva nous fait témoins d’une noble amitié, riche d’échanges, génératrice de partitions qui sont parmi les fleurons de notre patrimoine pianistique et musical. Spirituellement, un troisième cahier qui nous invite à méditer sur la rencontre de beaux esprits au service du Grand Art.
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► Blanche Selva-Déodat de Séverac entre musique et amitié, Cahier n° 3, fichier Pdf
Les Cahiers Blanche Selva, numéro 2
Un répertoire exceptionnel
Jean Alain Joubert, 2014
Le Cahier n° 2, Blanche Selva, un répertoire exceptionnel, se situe dans la légitime continuité du premier, celui-ci met en exergue la musicienne d’exception, la musicologue, l’amoureuse de la musique. Ce document à la fois très documenté sur les réactions aux 1100 concerts est une étude sophistiquée, précise du répertoire extrêmement vaste (plus de 140 compositeurs à son répertoire !) et riche qu’elle défendit avec passion et constance, Bach restant au centre d’une démarche qui se veut toujours spirituelle, toute de “bonté” selon la définition de Jules Michelet. Ainsi il me faut me répéter ces Cahiers, sur le modèle, il se peut, de ceux consacrés à Maurice Ravel, Francis Poulenc… ont le mérite de rendre vie à une artiste dont la principale activité, de longue durée et intense, demeure éphémère puisqu’elle fut trop négligée par le disque et en amont des progrès techniques exemplaires qui nous valent les testaments pianistiques éternisés de György Cziffra, Aldo Ciccolini, d’Alfred Brendel, Glenn Gould, Arthur Rubinstein et de tant d’autres !
Ainsi ces Cahiers sont la source qui permet de redonner vie et consistance aux notes envolées dont nous ne pouvons être, aujourd’hui, que trop rarement témoins. Je salue donc cette réalisation éminemment nécessaire, dévouée, car chaque cahier demande un immense travail d’investigation, de recoupements et il y faut ajouter toute une finesse d’écriture afin de rendre digeste des informations de type scientifique. Mais enfin c’est cela même qui explique le “Grand Œuvre” accompli et quasiment invisible aujourd’hui et dont pourtant les traces sont si vigoureusement présentes en particulier pour Jean Sébastien Bach, mais sans doute aussi pour les compositeurs espagnols, tchèques et ceux de la Schola, ses proches amis.
Blanche Selva servit si hautement la musique, au point semble-t-il de donner à la mécanique Bach, un souffle, un recueillement, une spiritualité et une vitalité que personnellement, je n’ai eu qu’une seule fois le bonheur d’ouïr dans mon existence, en l’Abbaye de Paunat (Dordogne), sous les doigts de la pianiste Zhu Xiao-Mei… interprétation d’une stupéfiante beauté !
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