PRÊTRE Georges
Georges PRÊTRE (1924-2017)
Le chef d’orchestre français Georges Prêtre est décédé à 92 ans, le 4 janvier 2017.
Bien qu’âgé de plus de 90 ans il continuait à diriger avec vigueur les plus prestigieuses formations.
S’il avait une véritable affinité avec le style viennois, il honorera de sa baguette notre patrimoine musical avec une parfaite intuition de l’esprit français.
Né dans le nord de la France, dans une famille relativement modeste, Georges Prêtre se fascine de très bonne heure pour la musique. Il commence ses études à Douai et les poursuivra au conservatoire de Paris, dès l’âge de 15 ans, où il devient l’élève du chef André Cluytens, étudie l’harmonie avec Maurice Duruflé et a pour guide Olivier Messiaen, dont il chérit la musique que plus tard il interprétera. Mais il faudra attendre un peu pour qu’il ait la révélation de sa vocation de chef en assistant à une représentation à l’Opéra.
Il restera à jamais associé à Maria Callas qui ne cachait pas sa préférence pour sa direction d’orchestre. Il s’illustrera d’abord dans la direction d’opéra (Opéras de Marseille, Lille, Capitole de Toulouse, Opéra-Comique puis Opéra de Paris) avant de diriger les plus grands orchestres, se construisant une prestigieuse carrière à l’étranger de Chicago, au Metropolitan Opéra de New York, en passant par la Scala de Milan, Londres ou le Japon. Prêtre est l’un des artistes français mieux reconnus à l’étranger que dans son propre pays.
Il sera l’un des premiers chefs étranger à diriger l’Orchestre Philharmonique de Vienne pour le fameux Concert du Nouvel An.
Jusqu’au début des années 2000, Georges Prêtre, interprète préféré du compositeur Francis Poulenc était le plus demandé des maestros français, avec Pierre Boulez. C’est dans la prestigieuse salle du Musikverein, un des temples de la musique classique où il a dirigé 177 concerts, qu’il a dirigé son dernier concert, le 12 octobre 2016 (Beethoven, Ravel, Offenbach, Strauss), recueillant une dernière standing ovation. S’il marchait un peu difficilement suite à une chute il a séduit le public par « son don de ralentir la mélodie jusqu’au point d’immobilité », selon le quotidien Autrichien Der Standard.
Il était encore programmé, en 2017, à la Scala de Milan.
Hommage à Georges Prêtre
Lionel Pons, 10 janvier 2017
La disparition de Georges Prêtre (1924-2017), si elle n’a pas pour l’instant soulevé d’hommages nombreux dans le monde musical si enclin à une mémoire capricieuse, n’en tourne pas moins une page importante dans la direction d’orchestre. Dans la lignée de Manuel Rosenthal (1904-2003) ou Jean Martinon (1910-1976), Georges Prêtre incarne une certaine vision de son art : geste économe, précision qui doit favoriser la lisibilité auditive sans assécher la portée poétique ou expressive, mais aussi respiration naturelle et refus systématique de l’emphase, goût des timbres crus, pudeur dans la palette affective. Mais la personnalité du chef se lit aussi dans le répertoire abordé et muri tout au long d’une vie.
En effet, Georges Prêtre n’a négligé aucun pan de répertoire musical, encore moins celui de son temps, en maintenant toujours un subtil équilibre entre fidélité à un style ou une esthétique, dans une véritable démarche d’artisan au service d’une œuvre, et affirmation d’une personnalité qui laisse toujours apparaître ses lignes de force. Ses versions des Danses polovtsiennes du Prince Igor ou de Dans les steppes de l’Asie centrale d’Alexandre Borodine frappent par un refus de l’effet facile, une retenue qui ne donne que plus de présence à l’épanchement mélodique. Dans le même ordre d’idée, il n’a de cesse de rendre à la Symphonie n°3 avec orgue de Camille Saint-Saëns une pureté de ligne, une sobriété qui, loin d’en minimiser l’esprit de grandeur, lui restitue son essence.
Le répertoire français doit beaucoup à la curiosité et la finesse de perception d’un Georges Prêtre. Ainsi, il est l’un des rares, avec Pierre Dervaux (1917-1992), à avoir entendu Vincent d’Indy autrement que comme un disciple franckiste aux sourcils froncés. Sa version du Poème des rivages et du Diptyque méditerranéen met subtilement en lumière les liens du compositeur avec une forme d’impressionnisme solaire, d’ailleurs inhérent chez ce dernier à la dernière période de son activité créatrice, dite période d’Agay, mais rarement explorée par les chefs.
Les liens avec l’œuvre de Francis Poulenc sont profonds et marquants, avec la création de La Voix humaine ou celle européenne du Gloria pour soprano, chœur et orchestre. Loin d’affadir la texture, Prêtre sait réfréner dans la première ce qu’elle pourrait avoir de presque impudique, et exalter dans le second les teintes d’une peinture à fresque alternant la gravité et une joie exultante. L’univers de Poulenc convient au chef, et nulle version des Biches ou des Animaux modèles n’a mieux ciselé cet art délicat en lui conservant force et naturel.
Du côté d’Albert Roussel, Prêtre signe une version impalpable du Festin de l’Araignée et un modèle d’interprétation de Bacchus et Ariane. Là où Charles Munch (1891-1968) se présente en colosse armé de foudre, Prêtre joue la carte d’une force différente, impressionnante par sa maîtrise plus que par son déploiement, qui ne se libère que peu à peu jusqu’à l’explosion de la Bachannale, qui laisse l’auditeur pantelant.
Parmi les créations qui doivent à l’engagement de Georges Prêtre d’avoir connu les feux de la rampe, citons le Concerto pour 15 solistes et orchestre de Jean Françaix ou la Symphonie n°4 de Marcel Landowski. On peut s’étonner de l’adéquation parfaite avec deux univers aussi différents que celui, ironique et grave, léger et fin, dense sans jamais peser, de Jean Françaix et celui, empreint de tragique et d’interrogations spirituelles de Marcel Landowski, mais ce serait compter sans la lucidité et la probité artistique d’un chef qui toujours sait mettre ses propres qualités en position de défendre une œuvre jusque dans son sens, son implication les plus intimes.
Chef lyrique, Georges Prêtre sait comme peu maintenir l’équilibre entre fosse et plateau, faire de l’accompagnement un dialogue. Qui ne se souvient de l’enregistrement de Callas à Paris et de la plasticité d’une direction qui passe, sans se renier, en préservant toujours sa fermeté de lignes, de Gluck à Massenet, de Gounod à Ambroise Thomas ?
L’orchestre est un phénix dont, tout comme l’opéra, les commentateurs ne cessent d’annoncer la disparition depuis plus d’un demi-siècle, pour mieux constater sa permanente renaissance. Si cette énergie vitale de l’orchestre ne semble plus faire de doute aujourd’hui, et la jeune école française le prouve à chaque création nouvelle, c’est peut-être grâce, au moins en partie, à un petit nombre de personnalités dont l’engagement, le don, la passion, savent transcender les frontières liées au genre, à l’esthétique ou au langage. Georges Prêtre est de ceux-là, et ce simple titre devrait suffire à lui assurer notre reconnaissance de mélomanes comme de musiciens.
Merci Monsieur Prêtre. ♦
Portfolio
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