JOURDAN Pierre
Pierre JOURDAN (1932 -2007)
HOMMAGE À PIERRE JOURDAN
Le 16 Août 2007, Pierre Jourdan, directeur du Théâtre Impérial de Compiègne nous a quittés, des suites d’une longue maladie selon l’expression consacrée. On peine à admettre la réalité qui nous prive ainsi d’un homme aux multiples facettes, producteur, acteur, metteur en scène, directeur de théâtre qui, depuis 1988, a tout donné jusqu’à ses ultimes forces pour l’opéra français. Il n’est pas possible d’énumérer dans une courte chronique les multiples productions dans lesquelles il a littéralement ressuscité des ouvrages absents de nos scènes depuis parfois plus d’un siècle. Ses mises en scène étaient (et restent, puisque plusieurs d’entre elles ont fait l’objet de captations et de reports en DVD sous label Cascavelle) des modèles du genre : inventives, vivantes, utilisant avec une intelligence toujours en éveil les ressources scéniques et les limites de la salle de Compiègne. Il faudrait souhaiter à tous les amoureux de lyrique et à tous ceux qui pourraient le devenir d’avoir connu l’ambiance des représentations, dans cette salle aux tons chauds, dont la taille humaine vous donnait une vraie proximité avec les artistes.
Car Pierre Jourdan n’était pas qu’un amateur de partitions « belles au bois dormant », il s’est toujours fait un devoir de donner leur chance à de jeunes artistes qui étaient assurés de trouver au Théâtre Impérial des conditions de travail idéales, du temps de répétition, une attention portée à chacun, une nécessaire autorité, bref tout ce que la majorité de nos scènes n’offrent plus aujourd’hui. De Laurent Naouri à Bruno Comparetti, tout ce qui compte dans le chant français actuel ou presque est passé par Compiègne et tous se sont toujours loués de la qualité du travail qui y était fourni.
C’est Auber avant tout qui a bénéficié d’un véritable travail de fond de la part de Pierre Jourdan : Gustave III, Le Domino noir, Fra Diavolo, Les Diamants de la couronne, tous ont connu des re-créations éclatantes de vie. Pierre Jourdan avait compris au plus intime la délicatesse de touche que réclame cette musique fragile, aérienne, légère sans être comique, toujours élégante, et il l’aimait avec sincérité. Dans le même ordre d’idée, Le Songe d’une nuit d’été d’Ambroise Thomas nous avait séduits, sorte de rêverie poétique, de marivaudage élégant et d’hommage distancié à Shakespeare. Pierre Jourdan n’avait pas craint de s’attaquer au grand opéra historique à la française en redonnant vie à l’Henry VIII de Saint-Saëns, dans une production exemplaire qui mettait en évidence tout ce qui fait de cette partition un chef-d’œuvre encore trop rare.
Mieux encore, en 1992, pour le centenaire de Darius Milhaud, le Théâtre Impérial fut la seule scène française à remonter l’un des grands opéras du compositeur, à l’exception des œuvres courtes. Ce fut Christophe Colomb avec, dans le rôle titre, un Laurent Naouri saisissant. La version présentée était l’une des plus complètes qu’il ait été donné de voir à votre serviteur, y compris la scène rarement jouée dans laquelle les Dieux incas barattent l’océan. Tout dans cette production relevait du miracle, l’espace scénique comme transcendé, l’ensemble du plateau transporté par et dans une œuvre fleuve.
Enfin, il y a à peine un an, Compiègne levait le rideau pour la première fois depuis presque cinquante ans sur Les Caprices de Marianne d’Henri Sauguet. Encore une fois, il faut rendre hommage à la curiosité de Pierre Jourdan, mais aussi à son instinct de la scène. On retient le tandem Stéphane Malbec-Garcia – Armando Noguera en Cœlio – Octave, une véritable trouvaille tant tous deux se présentaient comme des incarnations quasi-idéales. La sortie en DVD devrait être imminente et elle sera pour chacun de nous l’occasion de rendre un hommage intime à ce grand magicien de la scène dont la curiosité n’avait d’égale que la culture, et qui, jusqu’à ses derniers moments, n’a cessé de servir magnifiquement son grand amour : l’art lyrique. ◊
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