GIRARD Anthony

ANTHONY GIRARD

OU L’INFUSION DES ATTRAPES RÊVES (*)

Pascal ARNAULT



Étincellements, le titre de la dernière création d’Anthony Girard (pour piano à huit mains, en fait deux pianos joués chacun à quatre mains) résume bien l’esthétique et l’univers poétique du compositeur, faits de miroitements, de propension au rêve, de climats élégiaques mais aussi de fourmillements de lumières !


Si l’on reconnaît le vocabulaire musical et le climat harmonique de Fauré et Poulenc dès les quatre ou cinq premières mesures de leurs œuvres, il en va de même pour l’auteur des trois remarquables Sonatines pour piano à quatre mains1 ; assurément avec celle de Poulenc (1919) et avec le Tombeau de Ravel d’Olivier Greif (1975), l’une des œuvres (écrites originellement pour quatre mains) les plus abouties de notre époque pour cette formation finalement peu usitée.

« Le goût est formé de mille dégoûts » disait Paul Valéry2. La saveur toute particulière de l’œuvre et du style propre d’Anthony Girard réside, pour une part, dans ses refus d’une musique trop expérimentale et agressive, mais aussi dans l’infusion subtile d’éléments a priori peu compatibles :

  • un goût très marqué pour les belles harmonies colorées très « françaises »,

  •  une « narrativité » musicale clairement issue des écoles répétitives américaines (mais sans aucune rigidité),

  • une approche rythmique riche et variée, fruit, aussi bien de l’impétuosité d’Igor Stravinsky parfois, que des longues plages en développements quasi imperceptible d’Arvo Pärt ou des minimalistes,

  • le tout profondément unifié par un « geste » très personnel incluant un goût très prononcé pour la poésie élégiaque et onirique, qu’elle soit réellement partie intégrante de l’œuvre (tel est le cas dans La Rose et son Désir de 2018), ou seulement suggérée (comme dans Rire ou Rêver ? de 2016).

In fine, son Grand Œuvre est à l’image de l’Homme, (souvent « dans la lune » ! …), doux, rêveur et méditatif. Il n’est donc pas étonnant que l’on se laisse toujours « attraper » par la magie que sa musique déploie et laisse opérer ! ♦

(*) Article écrit à la suite du concert du samedi 12 octobre 2019 au studio Le Regard du Cygne (Paris 20ème) par les quatre pianistes suivants : Domitille Bès, Marie-Anne Faupin, Geneviève Girard, Daniel Gardiole.

1 Composées respectivement en 1992, 1993 et 1996.

2 Paul VALERY, Choses tues, Paris, Gallimard, 1930, p. 31.


GIRARD Anthony, Franchir l’horizon

 

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