AUBERT Louis, Oeuvres pour violon et piano
Stéphanie MORALY, violon, Romain DAVID, piano
Louis Aubert ©Succession Aubert
La Sonate pour violon et piano
de Louis Aubert
Alexis Galpérine, 2019
Il y a longtemps que Stéphanie Moraly me parle de la sonate de Louis Aubert, qu’elle avait découverte à l’occasion d’un mémoire du CNSM sur les sonates françaises; mémoire qui, on le sait, s’est étoffé jusqu’à devenir une thèse monumentale, présentant et analysant plus de 400 partitions! Au milieu de ce vaste corpus, l’oeuvre d’Aubert n’a rien perdu de son prestige, bien au contraire. Elle continue à figurer, à juste titre, comme un des plus purs joyaux de la musique française pour violon. Depuis lors, Stéphanie n’a cessé de penser à un projet d’enregistrement. Le talent autant que la persévérance ont rendu la chose possible, et le rêve est devenu réalité. Le résultat est à la hauteur des espérances -ce qui ne va pas de soi- et je ne connais personne qui aurait pu trouver un ton plus juste pour mettre en lumière une page inspirée et par ailleurs scandaleusement méconnue.
Romain David, son complice depuis dix ans, a également plongé dans cet univers singulier avec une délectation contagieuse, et son interprétation de Sillages, comme celle de la sonate, déploie une splendide palette de couleurs au service de la subtilité du sentiment.
Quelques savoureux morceaux de circonstance, pour piano ou pour violon et piano, en complément de programme, nous rappellent que le compositeur fut aussi un magnifique pianiste de concert et un chambriste d’exception, fidèle, notamment, à ses amis violonistes.
Pour ma part, j’ai reçu ce disque avec une émotion particulière, puisque j’ai été l’élève de la grande virtuose Marie-Thérèse Ibos, la nièce de Louis Aubert, qui m’avait fait entendre autrefois une belle version de la sonate avec son oncle au piano (conservée dans les archives de l’INA). Et longtemps j’ai pris mes leçons de violon en faisant face à une aquarelle qui n’était autre que le décor d’un tableau de La Forêt bleue (le merveilleux conte-opéra d’Aubert), la même qui illumine aujourd’hui, en couverture, la pochette du CD de Stéphanie et Romain !
Il est peu de dire que le présent enregistrement a rempli pleinement sa mission première, qui était d’éclairer le portrait, trop longtemps resté dans l’ombre, d’un des grands musiciens français de la première partie du XXe siècle. ♦
Redécouvrons Louis Aubert
Pascal Arnault, mars 2019
Il y a les musicologues que l’on aime seulement lire et il y a celles et ceux (plus rares) que l’on aime lire et entendre, car ils ont l’Art de transmettre avec charisme et autorité naturelle le fruit de leurs recherches passionnées. Stéphanie Moraly est assurément de cette deuxième catégorie.
Tout le public présent l’année dernière au concert Koechlin/Fauré du CRR à Paris, a pu le constater avec émerveillement. Et qualité encore plus rare, en plus d’être une remarquable musicologue (thèse de doctorat soutenue en Sorbonne sur les sonates violon/piano au vingtième siècle) elle est une très brillante violoniste, aussi passionnée dans son jeu , qu’elle l’est dans la présentation des oeuvres au public ! Et que dire de sa très belle complicité avec son comparse pianiste Romain David, si ce n’est qu’elle est d’un équilibre idéal !
On peut aussi particulièrement apprécier l’exigence sans concession à la mode de leur discographie (intégrale violon/piano d’Olivier Greif, et de Louis Aubert, ainsi que leur disque Koechlin/Fauré).
Attardons nous sur le dernier né justement… la très attendue (par la famille et les aficionados du compositeur), intégrale violon/piano de Louis Aubert.
D’emblée la magistrale Sonate, avec son premier mouvement décidé et rude comme le premier mouvement de la deuxième de Fauré (à laquelle celle de L. Aubert est dédiée) nous saisit et ne nous lâche pas ! Le second mouvement avec son ample austérité et son lyrisme puissamment gradué, évolue entre les climats des pièces pour piano de Roussel et le mouvement lent de la Sonate de Dutilleux… dans un ‟entre deux” on ne peut plus fécond et singulier. Le troisième mouvement est d’une belle virtuosité vibrante sans une once de gratuité banale.
Comme on le lit dans le remarquable texte de présentation d’Alexis Galpérine, cette Sonate, le Caprice, Sillages et les Trois Esquisses, sont vraiment des oeuvres de premier plan, saluées en leur temps par l’esprit lucide du philosophe/musicologue Vladimir Jankélévitch.
Souhaitons à ce bel ‟objet culturel” de très grande valeur le succès qu’il mérite, loin des clichés associés d’ordinaire au nom du compositeur (grand ami de Ravel et donc… forcément son épigone… ce qui est très loin d’être le cas dans les quatre œuvres citées ici!). ♦
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