DAVID André

SOUMENSAC 
— Lot et Garonne —
​Hommage au compositeur André DAVID​
(1922-2007)

 


Hommage à André David

Jean-Jacques Werner, juin 2007

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Texte initialement publié dans le Bulletin associatif des Amf n° 12
(précurseur d’Euterpe), automne 2007

 

Compositeur, pianiste, docteur en médecine, André David nous a quittés le mardi 5 juin dernier[1]. Il était l’un de mes rares vrais amis.

Sa culture était universelle, son amour de l’art, de la musique, inextinguible.

Son œuvre musicale, originale à plus d’un titre, s’inscrit parfaitement dans les sensibilités et courants de la musique du XXe siècle.

J’ai eu le privilège de créer aux U.S.A. Ortive pour grand orchestre symphonique avec le Festival Orchestra devant cinq mille auditeurs. L’accueil fut enthousiaste : le public ovationna une œuvre toute en contrastes, rythmes, blocs sonores et timbres inédits. Eunode, Decan avec la complicité de Geneviève Ibanez, le Chemin de lumière – cette dernière œuvre sur un beau poème de Pierrette Germain, son épouse – sont des pages d’un lyrisme puissant et personnel.

J’étais présent lors de la création, dirigée par Jean-Yves Gaudin, de son opéra Rodolphe, en 2002, au Festival Coréades en Poitou-Charentes. Ce fut un grand succès, l’œuvre a conquis son public : moi-même, j’ai admiré l’écriture vocale et chorale, la lisibilité et la transparence orchestrales, la mise en valeur du texte.

D’autres souvenirs : les soirées musicales en famille, entre amis à Paris, en Bourgogne ou à Soumensac en Lot-et-Garonne, avec ma compagne, la violoniste Annie Jodry. Excellent pianiste, André David adorait animer ces soirées de musique de chambre pour notre joie à tous. Ainsi naquit l’idée d’Anaglyphe, pour violon et piano, œuvre d’une redoutable difficulté qui fut créée au Festival de Duras, en septembre 1986.

J’aimais l’homme honnête, lucide et tolérant, sa rigueur et son exigence dans la vie de tous les jours, son regard sur notre société et la place que devrait y occuper l’Art.

J’aimais son intelligence intuitive, sa réflexion sur la musique, celle des autres et la sienne propre.

Son œuvre est forte et authentique. À nous d’en continuer la diffusion et de la faire vivre. □

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[1] Note de Jean Alain Joubert : rédacteur de l’éditorial de ce bulletin associatif n° 12, automne-hiver 2007, j’écrivais : « Un jour d’exception, en ce morne printemps, idéal en son déroulement : notre assemblée générale du 3 juin 2007. Un mardi gris, lourd et triste à sa suite, nous apprenait la disparition du compositeur André David ; Jean-Jacques Werner qui, en compagnie de la douce Annie Jodry, avait ensoleillé notre week-end, m’informait du décès de son ami. Anatole France confiait en son Jardin d’Épicure : “ Quand on dit que la vie est bonne et quand on dit qu’elle est mauvaise, on dit une chose qui n’a point de sens. Il faut dire qu’elle est bonne et mauvaise à la fois, car c’est par elle, et par elle seule, que nous avons l’idée du bon et du mauvais. La vérité est que la vie est délicieuse, horrible, charmante, affreuse, douce, amère, et qu’elle est tout […].”, Anatole France, Le Jardin d’Épicure, Paris, Calmann-Lévy, 1921, p. 67. »


Hommage à André DAVID

Soumensac, 1er juillet 2017

Jean Alain Joubert

7 & 8 juillet 2017

 

 

Si j’ai sillonné, des années durant, le département de la Dordogne, depuis 2008, je suis devenu un voyageur immobile. Pour autant, je n’ai pas oublié une table justement réputée, La Cour d’Eymet, qui d’ailleurs m’a inspiré un texte que l’on retrouve sur une page de ce site.

Chaque jour, me parviennent des annonces de concerts ou de manifestations que je retransmets à tous nos amis. Celle concernant l’hommage à André David, dans le style dépouillé de Pierrette Germain-David, m’interpella.

Elle me fit souvenir d’un très agréable moment, qui se déroula une fin d’après-midi du mois d’août 2005, sous un tilleul centenaire, où je fis connaissance avec André. Le matin de ce jour-là, je me trouvais à la mairie d’Eymet, puis l’après-midi à Issigeac. À la suggestion de Jean-Jacques Werner et d’Annie Jodry, en séjour à Soumensac chez leurs amis, je m’avançais jusqu’à ce petit village du nord Lot-et-Garonne. Se trouvaient là, en plus de nos amis, Pierrette Germain-David et un des petits-fils d’André, Romain, pianiste comme son grand-père.

J’avais apprécié cette rencontre, et quelques temps après le décès d’André David survenu le 5 juin 2007, j’étais revenu en pèlerinage à Soumensac, ce qu’attestent quelques photos que j’y fis depuis Les Promenades entourant les remparts de cette ancienne forteresse. La cité en surplomb bénéficie d’un panorama exceptionnel sur les terres verdoyantes et les vignobles du pays de Duras et bien au-delà ! Le village m’avait semblé beau et triste : silence des heures ensommeillées, endeuillées, derrières les volets clos.

Premier juillet 2017. Arrivé un peu tôt, au village – le dévoilement de la plaque étant programmé pour midi – accueilli par Jacques et son épouse Annie, j’accompagnais Pierrette Germain-David jusqu’à la petite église de Saint-Jean de Duras où Alexis Galpérine et Geneviève Ibanez répétaient le programme du concert de fin de journée. Pierrette qui possède l’oreille absolue, manifestait quelques inquiétudes, me semble-t-il, justifiées, l’acoustique de cette petite église, par ailleurs charmante, n’avait rien de celle idéale de l’abbaye du Thoronet !

De retour sur La Promenade donnant sur l’arrière de la demeure de Jacques David, étaient réunies la famille, les amis et admirateurs du compositeur. Jacques présida cette sobre cérémonie, le tout nouveau jeune député fut le premier à s’exprimer, ensuite Alexis Galpérine évoqua le compositeur, très brillant pianiste qui comme Pierre Velonnes était également médecin, puis Pierrette Germain instaura un dialogue avec le baryton Jean Léquipé, qui évoqua les riches heures musicales du Festival de Duras.

La plaque en hommage à André David fut alors dévoilée dans le recueillement et l’émotion générale. André disparaissait, il y a dix ans, mais chacun gardait le souvenir de sa personnalité et de son talent.

L’assemblée accéda au jardin de la demeure de Jacques et Annie, où depuis les fenêtres largement ouvertes, leur fils Romain interpréta sur le piano du maître, Soumen partition de son grand-père en hommage à son village, puis ce fut Alexis Galpérine qui interpréta au violon, Le Chant du troubadour, dont nous aurons la surprise d’une interprétation en duo, pour clore en beauté cette journée.

Avec Jean Léquipé, fondateur du Festival de Duras, nous esquivons pour un temps, le vin d’honneur, afin de parcourir l’exposition aménagée dans la grange. Que de découvertes : photographies, lettres, partitions, disques, affiche de l’unique opéra, Rodolphe.

La famille me retint pour un « déjeuner de soleil » qui se montra timidement, moment convivial dans ce jardin dominant, à perte de vue, un paysage d’une idyllique sérénité.

Après ce repas champêtre, nous revînmes voir l’exposition afin de visionner une excellente vidéo hautement probante du talent pianistique d’André David en duo avec Geneviève Ibanez, lors d’un concert donné en l’église Saint Merri, à Paris. Éblouissant de virtuosité ! Pierrette m’offrit son ouvrage édité chez Zurfluh, dans la collection Le Temps Musical, Un demi-siècle de musique française, 1950-2000. De quoi être moins niais ! Un vrai cours universitaire qui me sera fort utile ! Qui d’autre se sera attaché comme elle à « inscrire la musique dans la culture de notre temps » ? Pierrette Germain-David fut, entre autre, la productrice de la série publique, Musique à découvrir, pour Radio France.

Je souhaitais m’évader en solitaire pour un moment plus méditatif, à travers le village, m’arrêtant devant le bronze érigé devant la maison natale d’un des ancêtres d’André, le professeur Pierre-Félix Lagrange (1857-1928), célèbre ophtalmologue, puis cheminant jusqu’au petit cimetière où un rosier arbustif, vieille variété à petites fleurs d’un rose délavé, embaumait derrière la tombe familiale où repose le compositeur avec son père Maurice David (1891-1974), universitaire, pédagogue, directeur de l’Enseignement de la Seine, Bernard Biraben, photographe et illustrateur, co-auteur avec Louis Émié, de Guyenne et Gascogne (Guide bleu Hachette, 1960) et du premier Périgord (1966) de Jean Secret qui connaîtra une réédition, en 1982, avec les clichés de Jacques Lagrange. 

Seconde partie de l’hommage, en l’église de Saint-Jean de Duras.

Premier Prix de piano au CNSM de Paris, professeur à la Schola Cantorum, au CNR de Boulogne-Billancourt et au Conservatoire Francis Poulenc, Geneviève Ibanez s’illustre dans le grand répertoire comme dans la musique française de notre temps, dont celle de Jacques Castérède. Parmi sa discographie particulièrement abondante, elle obtint, en 1999, un Grand Prix du disque pour son enregistrement des œuvres de Serge Nigg.

Le violoniste Alexis Galpérine, diplômé du CNSMP et de la Juilliard School de New York, est lauréat de plusieurs concours dont celui de Belgrade où il obtint le Premier Prix. Soliste, il se produit avec de nombreux orchestres, et chefs de renom. Il donne de nombreux concerts de musique de chambre, en particulier aux États-Unis et au Canada. Professeur au CNSM de Paris et au Conservatoire Américain de Fontainebleau, il donne, par ailleurs, des masters classes en France et à l’étranger. Alexis Galpérine siège dans les jurys des concours internationaux. Il présidait, en 2013, le concours Ginette Neveu.

Le programme de ce concert assez inhabituel, a été conçu en hommage à André David, un compositeur qui durant la seconde moitié du XXe siècle se sera signalé par une authentique originalité et une totale indépendance, demeurant à l’écart de tous les conformismes musicaux qu’ils soient conservateurs ou avant-gardistes, ce qui, notons-le, avait été antérieurement le choix de Franck, puis de Ravel. Deux pièces du compositeur étaient au programme : le fragment 3 de Monisme, partition de 1989, pour violon seul, somptueusement interprétée par Alexis Galpérine qui en est le dédicataire et Écart, pour piano (1984), d’une folle virtuosité, qui n’est jamais superficialité, qu’interpréta avec prodigalité sa dédicataire, Geneviève Ibanez.

Le concert s’ouvrait sur une pièce de très grande virtuosité de Franz Liszt, un maître absolu en ce domaine, Saint François de Paule marchant sur les flots (1865). Cette œuvre incarne la passion d’André David pour la virtuosité inspirée, elle fut sa première inclination et lui fit obtenir un Premier Prix de piano au Conservatoire de Montpellier.

Kaddish (1914) de Maurice Ravel, est une évocation de la prière des morts juive, elle est une des Deux Mélodies hébraïques (inspirées de chants traditionnels), interprétée dans sa transcription pour violon et piano.

La Sonate pour violon et piano de César Franck de 1886, œuvre majeure du répertoire de chambre, célèbre entre toutes, incita par sa lumineuse beauté les compositeurs français à écrire pour ce genre musical propre au génie romantique allemand. Elle enthousiasma à l’évidence le public de cet admirable concert, tant furent nourris les applaudissements !

Saluons l’heureuse inspiration du bis, Le Chant du troubadour, page extraite de l’opéra Rodolphe d’André David, qui invite à découvrir ce Poème Lyrique en 3 actes, qui fut créé le 8 octobre 2002, aux Coréades de La Rochelle.

Liszt, Franck et Ravel, André David, partagent « le goût du coloris harmonique, de la volubilité instrumentale et de l’essentielle mobilité vitale des œuvres. »

Le « Souffle musical » des interprètes a doublement enthousiasmé le public, pour leurs performances d’artistes au sommet de leur art, et d’évidence pour l’écho émotionnel de ce moment évocateur de l’univers de celui à qui était rendu ce juste hommage.

Avant de reprendre la route, nous levâmes un dernier verre à l’amitié et à la mémoire de celui qui nous réunissait en ce jour, dans une demeure qui fut son berceau familial, sans que je puisse passer sous silence une conversation passionnée avec Alexis au sujet de son arrière-grand-père, l’écrivain périgourdin Léon Bloy, auquel, depuis bientôt un an, je m’intéresse tout particulièrement.

 

Cette journée mémorable est bien de celles que notre association, les Amis de la musique française, espère voire se multiplier afin de contribuer à garder vivant le souvenir de ceux qui par leurs partitions, leurs écrits et des enregistrements, continuent, au-delà du temps de vie, à nous gratifier de ce que Pierre Ancelin qualifiait de « trésors d’humanité et d’art qui ne demandent qu’à rayonner et faire s’épanouir les gourmandises musicales des uns ou des autres… »1. □

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1. Phrase d’une lettre de Pierre Ancelin, du 19 octobre 2001.

 

 

Portfolio

     

SOUMENSAC, Les Promenades, 1er juillet 2017

Cérémonie du dévoilement d’une plaque en mémoire du compositeur

André DAVID

petit concert, vin d’honneur, exposition…

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Les photos, sauf mentions de copyright, sont de Jean Alain Joubert

Mes remerciements à Jacques David, fils du compositeur, à son épouse Annie Collin-David
à Alexis Galpérine, à Pierrette Germain-David, à Jean Léquipé
et à Marie-Ange Giron pour ses précieux clichés
 
 La Promenade, au pied de la demeure de Jacques David Rassemblement pour la cérémonie  
 Pierrette Germain-David, sa petite-fille et le violoniste
Alexis Galpérine
 
 Jacques David, son épouse Annie, le député Alexandre Freschi,
Jean Léquipé
   Les prises de parole en hommage à André David
 
 Pierrette Germain-David, Jean Léquipé,  fondateur du Festival de Duras, rappellent cet heureux temps     Recueillement et émotion
 
 Dévoilement de la plaque   La plaque dévoilée
  
 Honneur à André DAVID   
     
   Concert depuis les fenêtres & vin d’honneur
 
     
 Petit concert depuis les fenêtres   L’écoute de deux œuvres d’André David 
     
L’écoute nostalgique de deux œuvres d’André David    
 Les petits-fils d’André, Isabelle Faure, secrétaire de l’association
Femmes & Musique, la pianiste Geneviève Ibanez©Marie-Ange Giron
     
   
 La plus belle photo de ce moment d’hommage avec la famille : Jacques, Annie, Pierrette, Catherine, Romain… ©Marie-AngeGiron  Le Vin en l’Honneur d’André David©Marie-Ange Giron
EXPOSITION
   
Visite de l’exposition©Marie-Ange Giron
     
   
La trajectoire d’André David   
     
 André David    Le choix des parents d’André David d’une profession médicale
     
     
 Premiers essais d’opéra, à 13 ans : Œdipe, février 1935     Lettres de ses contemporains : Jacques Castérède…
 
 Lettres de ses contemporains : la superbe écriture d’Adrienne Clostre (Premier Grand Prix de Rome en 1947)  
 Festival de Marmande-La-Jolie,
Festival lyrique et musical Jean Léquipé
 
 Partitions d’André David  Les enregistrements de la musique d’André David
Le temps du Festival lyrique et musical de Duras  La composition, le pianiste avec Romain, son petit-fils ou Geneviève Ibanez, l’ami Jean-Jacques Werner
 André David, Antoine Tisné, Jean-Louis Petit, Geneviève Ibanez, Jacques Castérède, Jean-Jacques Werner
 André David, Jean Léquipé, Jean-Jacques Werner,
Annie Jodry, Duras 1986
   
 Jean-Jacques Werner, André David, 1994
 Charles Chaynes remet à André David les insignes de
Chevalier dans l’Ordre des Arts et Lettres, 2004
   
Affiche de la création de Rodolphe, Poème lyrique en 3 actes, Coréades de La Rochelle, 8 octobre 2002 

Méditation en solitaire

   
 La demeure estivale d’André et Pierrette, où je les rencontrais en 2005    Façade de cette demeure donnant sur Les promenades
   
 Paysage depuis les Promenades  Le caveau familial
 Rosier ancien dans le cimetière de Soumensac  Buste de Pierre-Félix Lagrange, ophtalmologiste de renom
   Concert en l’Église de Saint-Jean de Duras
 
   Alexis Galpérine, violoniste
   
Geneviève Ibanez, pianiste   
   
 Église de Saint-Jean de Duras©Marie-Ange Giron  Avant le concert©Marie-Ange Giron
   
 Le concert de Saint-Jean de Duras©Marie-Ange Giron
 Les artistes, Geneviève Ibanez & Alexis Galpérine
qui nous ont enchantés©Marie-Ange Giron

 

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